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Megaban

lundi 23 février 2009

Touching from a distance, further all the time.


Photos de Valérian Marguery

mardi 17 février 2009

Rencontre avec Sophie Jarry

Exposition Rock and Roll Animals
Du 1er au 22 février 2009
Galerie Chappe, Paris
Photographies de Sophie Jarry, Illustrations de Sophie Thunder

Retrouvez l'interview dans la nouveau numéro de DirrtyGlam

Parles nous de la genèse de "Rock’n’roll Animals", comment s'est montée l'exposition ?
Je souhaitais montrer des photographies de concert et des portraits, les deux pouvant être très forts pour "parler" d'un artiste ; montrer des instants intimes, comme dévoiler des petits secrets.
C'était primordial pour moi que les portraits soient des séries réalisées avec des artistes dont j'aime la musique, pour qui j'ai beaucoup d'estime et d'affection. Alors j'ai immédiatement pensé à Miles Kane dont j'ai découvert en même temps les deux albums, celui avec Alex Turner (The Last Shadow Puppets) et celui avec son groupe, The Rascals.
Dès notre première rencontre j'ai vu quelqu'un d'exceptionnel et j'ai su qu'il prendrait une place importante. Il avait accepté ma séance photos alors qu'il n'en fait habituellement qu'avec son groupe. Miles m'a proposé dès ce premier jour de faire des photos avec Alex et lui lorsqu'ils viendraient ensemble à Paris ; ça n'a pas pu se faire lorsqu'ils sont venus jouer à l'Olympia, mais ce jour là il m'a présenté Alex et leur manager, quelqu’un d’une incroyable gentillesse. Et c’est à Londres que je les ai finalement retrouvés pour faire cette série.
Ensuite, j'ai choisi des photos d'Adrien Gallo des BB Brunes, parce que c'est quelqu'un que j'aime beaucoup ; j'ai passé pas mal de temps avec le groupe l'année dernière, et il y a eu leur semaine de concerts à la Cigale, puis Strasbourg et Bourges.
Adrien est très photogénique, les 5 photos de l'exposition ont été prises à des moments différents mais elles peuvent être vues comme un seul portrait. L’une d’elle a été prise en 2007, chez lui, alors qu’on ne se connaissait pas depuis très longtemps. Adrien a confiance en moi, alors il se laisse photographier, simplement, sans chercher à prendre une attitude, c’est ce que j’aime dans ces photos de lui, et c’est ce qu’on retrouve aussi dans les séries des Last Shadow Puppets et de Miles Kane.
Puis il y a cette série avec Alison Mosshart des Kills, je voulais un visage féminin dans mon exposition, mais surtout je la trouve très étonnante sur scène, et c'est une personne très sensible, ça se voit sur ces portraits.

Dans cette exposition, tu présentes tes tirages aux cotés de dessins et collages de l'illustratrice Sophie Thunder, est-ce un choix personnel ? Penses-tu qu'il y ait une complémentarité entre vos deux travaux ?
J'ai proposé à Sophie de venir exposer ses dessins et peintures originaux (flyers de concerts et pochettes de single ou d'album), car j'adore ce qu'elle fait, qu'elle utilise le crayon, le pastel, la peinture ou les collages, je trouve tout magnifique.
Je voulais déjà qu'elle expose avec moi à la Proud Gallery quand j'y ai fait une expo mais c'était un peu compliqué.
On se complète visuellement oui, on s'inspire de la même musique, des mêmes personnes et je crois qu’on a la même sensibilité et la même approche. Elle dessine essentiellement des femmes et je photographie essentiellement des hommes, mais mes photos de femme ressemblent à ses dessins.

Est-ce que tu envisages d'autres collaborations ?
Oui, je suis vraiment contente que Sophie ait pu montrer ses dessins ici à Paris et que les gens puissent les découvrir. Je sais déjà avec qui mais je n'ai aucune idée de ce que ce sera, il faut que j'y réfléchisse car les choses prennent beaucoup de temps à se concrétiser ensuite.


J'ai vu que tu as choisi une scénographie épurée et graphique, en accord avec tes tirages en noir et blanc. Justement, pourquoi as-tu choisi de ne travailler qu'en noir et blanc ?
Je fais parfois de la couleur, sur les festivals par exemple, mais je vois les choses en noir et blanc, c'est plus naturel pour moi, comme une évidence. Je ne me pose pas vraiment la question, 90% des livres de photos que j'ai chez moi sont des noir & blanc, les photographes que j'admire faisaient du noir et blanc, mes références visuelles viennent surtout du cinéma et j'aime l'aspect cinématographique du noir et blanc, je ferai de la couleur quand j'y trouverai quelque chose de surprenant. Je suis parfois tentée de mettre une pellicule couleur, mais à la dernière minute je me dis que je vais peut-être manquer quelque chose.
Pour l'exposition j'avais prévu de réaliser toute une série en couleur avec Luke Pritchard des Kooks, je savais exactement ce que je voulais faire, ça aurait pu être magnifique je crois, mais je n'ai toujours pas pu faire ces photos et comme je les ai imaginées "pour lui", je n'ai pas eu envie de les faire avec quelqu'un d'autre. C'est pour cette raison qu'il n'y a pas de photos couleur à la galerie.
Mais quand une séance photo qui me tient à coeur ne se fait pas, je pense toujours à Steichen, qui admirait profondément Rodin et dont il souhaitait faire le portrait; Rodin lui avait proposé de lui rendre visite les samedis à son atelier de Meudon, et Steichen s'y est rendu tous les samedis, sans appareil photo (!), mais il observait Rodin, le suivait, s'imprégnait, et ce n'est que plusieurs années plus tard que Steichen a demandé à Rodin de poser devant la statue de Hugo et du penseur!!!
Je trouve ça tellement beau.

De même, pour quelles raisons travailles-tu à l'argentique ?
Pour l'atmosphère, le grain, l'ambiance, le mystère, pour prendre le temps de chercher et trouver quelque chose. Pour avoir de vraies photos entre les mains. Pour les retrouver dans une boite, les regarder, les montrer.
La photographie argentique a une histoire. Une photo est précieuse, une photo est un instant, je ne conçois pas 200 images d'un seul instant, l'instant disparaîtrait non? Et l'émotion avec.

Choisis-tu tes sujets en fonction de tes goûts et affinités, ou par critères esthétiques ?
Un jour une personne m'a envoyé un message me disant que cela se voit sur mes photos que j'aime les gens que je photographie. Je me suis dis que c'était classe que cela puisse se voir.
Par exemple, avant d’aller à Londres pour photographier Miles Kane et Alex Turner, je pensais à eux tout le temps, comme pour m’imprégner, être avec eux et commencer à imaginer mes photos, et comme j’écoutais leur disque non-stop en plus !
Le moment où nous avons fait ces photos n'a pas duré longtemps en soi, mais pour moi il a duré 4 mois, du 1er juillet au 26 octobre. Je voulais montrer leur complicité et leur complémentarité, les voir ensemble sur une photo et non pas seulement l'un à côté de l'autre.
J'aime l'aspect ancien et vieilli de ces photos qui pourraient avoir été retrouvées dans le grenier de notre grand-mère. Ces photos leur ressemblent, et surtout, je sais qu’ils les aiment.


Tu as suivi Razorlight en tournée pour les photographier, comment ça s'est passé ?

Johnny Borrell connaissait mes photos et m'a contactée pour savoir si je pouvais partir en tournée en Grande-Bretagne avec eux pendant 15 jours. J'avais encore un travail à plein temps à ce moment-là alors j'ai démissionné du jour au lendemain, sans même prévenir mes parents qui auraient voulu me dissuader évidemment. Je les ai quand même appelés de Brighton une semaine plus tard :-)
Je suis très reconnaissante à Johnny pour sa confiance ... aveugle pour ainsi dire ... puisque j'ai fait 28 pellicules sur sa tournée sans pouvoir montrer aucune photo sur le moment. Ce sont des souvenirs absolument incroyables car c'était une très grosse tournée, des salles de 10 000 à 15 000 places, une grosse organisation avec 50 personnes à travailler sur le tour.
Tout ça me manque beaucoup chaque fois que j’y repense.

Parles nous de ton exposition à la Proud Gallery, en 2007 à Londres.
Je voulais trouver un moyen d'exposer à Londres une sélection de ces photos prises sur la tournée, et Johnny m'a dit que je devrais essayer de contacter la Proud Gallery. C'est ce que j'ai fait, le projet les a intéressé compte tenu du succès de Razorlight en Grande-Bretagne.
Après ça a été un peu compliqué à mettre en place, mais en résumé Ben Sherman a sponsorisé l'exposition, et surtout Johnny a fait un concert à la galerie pendant l'expo ; ça n'aurait pas été possible sans lui.

Tes plus belles rencontres ?
Johnny Borrell évidemment, il a été et reste très important pour moi ; quand je suis rentrée à Paris après la tournée avec lui en 2006 j’étais très déprimée, et j’ai mis des mois avant de pouvoir photographier un autre artiste.
Et plus récemment Miles Kane, je l’aime vraiment beaucoup, sa spontanéité, son enthousiasme, sa joie de vivre, son rire, et son accent aussi !

Quels sont tes projets après l'exposition ?
Il n'y a rien que je puisse vraiment prévoir en fait. Par exemple, une personne qui travaille à l’organisation d’un festival à Sao Paulo m’a contactée en 2007 pour que j’expose lors de son festival, cela prend du temps et la première édition n’a pas encore eu lieu.
Mais par contre, à la fin du mois, il y a l’exposition Nike au Citadium du 19 février au 3 mars, pour qui j’ai casté et photographié 8 jeunes musiciens et/ou comédiens.
Sinon, rien de concret, des idées, des envies, 2 ou 3 rêves et des intuitions aussi.

dimanche 8 février 2009

Inspiration

Edouard Manet Berthe Morisot au bouquet de violettes (1872)

Teen Vogue has featured me on on their 20 favourite young fashion bloggers !

Check it here

Pictures by Valérian Marguery

mardi 3 février 2009

La Jeune Martyre

Paul Delaroche La Jeune Martyre (Louvre, 1854-55)

« Une martyre au temps de Dioclétien. Une jeune Romaine n’ayant pas voulu se sacrifier aux faux dieux, est condamnée à mort et précipitée dans le Tibre, les mains liées; le soleil est couché derrière les rives sombres et nues du fleuve; deux chrétiens, qui cheminent silencieusement, aperçoivent le cadavre de la jeune martyre, qui passe devant eux emporté par les eaux. La partie supérieure de la figure, ainsi que l’eau, est éclairée par une auréole divine qui plane au dessus d’elle. »
Lettre de Paul Delaroche, 1854
“A martyr during the time of Diocletian. A young Roman girl, unwilling to sacrifice herself to false gods, is condemned to death and drowned in the Tiber, hands bound; the sun sets behind the dark and dreary river; two Christians, who silently tread the path, catch sight of the young martyr‘s body, floating in the water. The view of the figure from the top, as well as the water, is illuminated by a mystical halo hovering above her head.”
Letter of Paul Delaroche, 1854

La Jeune Martyre est le dernier tableau de Paul Delaroche, peintre historique et initiateur du mouvement pompier de la seconde moitié du 19ème siècle. Paul Delaroche, membre de l’Institut, et professeur à l’école des Beaux-Arts, se démarque par son goût pour la représentation historique, qu’elle soit ancienne ou moderne, fortement teintée d’un dramatisme exacerbé. En marge d’une esthétique romantique délicate incarnée par Ary Scheffer, Delaroche se place en tête de file d’un nouveau courant, qui allie historicisme académique, et goût pour la couleur emprunté au romantisme.

The Young Martyr, also known as A Christian Martyr Drowned in the Tiber During the Reign of Diocletian is the final masterpiece of Paul Delaroche, a historical painter and precursor of L’art Pompier (Fireman Art) during the second half of the 19th century. Delaroche, a member of The Institute of France, and professor at the École des Beaux Arts, set himself apart with his penchant for historical representations from the olden times or a contemporary period, from which he drew inspiration to produce intensely dramatic compositions marked by a heavy treatment of colors. Apart from the delicate aesthetic embodied by the works of Ary Scheffer , Delaroche paved the way to a new movement that fused academic art with a fondness for colors that lent a romantic feel to the paintings.

Il connaît un large succès, notamment grâce aux Enfants d’Edouard (Louvre,1831), son plus célèbre tableau, ou encore Le Supplice de Jane Grey, où l’on retrouve tension lourde, et théâtralisation des sentiments, associées a un certain idéalisme pictural.

Delaroche received wide acclaim, due in large part to his most celebrated piece, The Children of Edward, (Louvre, 1831), or yet another famous artwork, The Execution of Lady Jane Grey, set in a heavy and serious tone and combined with a theatrical display of emotions that corresponded to a graphic and idealized melodramatic representation of an event (to the detriment of historical accuracy).

Paul Delaroche Le Supplice de Jane Grey (London National Gallery, 1833)

Cependant, avec La Jeune Martyre, Delaroche s’écarte du modèle préétabli. La composition se fait sobre, et se libère des signes distinctifs historiques, pas de décorum antique, ni de figures éplorées, hormis la représentation difficilement reconnaissable des deux chrétiens au second plan. Les mains liées par une corde, et l’auréole surplombant la martyre, apparaissent comme les seuls signes identifiables du drame.
Le peintre s’écarte des représentations traditionnelles et pompeuses de martyrs dans la peinture historique, à la manière des Martyrs aux Catacombes de Jules Lenepveu, réalisé la même année.

However, as for The Young Martyr, Delacroche detached himself from the pre-established model.He made use of dark compositions and freed himself of distinctive historical symbols, vestiges of the antique and grief-stricken characters, save the barely recognizable images of the two Christians in the background. The bound hands and the halo above the figure appear to be the only symbolic elements linked to the ensuing drama.The artist removed traditional and pompous depiction of martyrs in the historical painting, in the same manner as Jules Lenepveu’s The Martyrs in the Catacombs, done in the same year.

Jules Lenepveu Martyrs aux Catacombes (Orsay, 1855)

Ici, pas de procession ni d’effusion, la tableau exalte le dépouillement, et la sobriété au service d’un idéal de sainteté. Delaroche cherche à montrer le pathos de la scène, de manière intime et retenue. Ainsi le tableau distille une douce émotion sacrée soulignée par les flots calmes du Tibre, et par l’aura de lumière qui nimbe cette jeune martyre.
Fidèle à la peinture religieuse, le corps est exalté, à travers les drapés mouillés qui l’épousent et le modèlent, gonflés par le courant. Le visage serein aux lignes pures, rappellent les camées de l’époque, et se réclame d’une esthétique romantique.
La figure se détache de l’ensemble comme une apparition, grâce aux forts contrastes entre ombre et lumière. La dramatisation est donc mise en place non pas par attitudes et expressions, mais par le jeu de clair-obscur.

Here, there is no display of pomp and parade nor bloodshed; the painting glorifies the sense of loss and sobriety in keeping with the ideals of holiness. Delaroche sought to depict the pathos of the scene in an intimate and reserved manner. Thus, the painting delivers a subdued and sacred emotion emphasized by the calm waters of the Tiber and the aura of light spreading across the young martyr. What builds up the drama has little to do with the mood or tone, but mainly lies in the play between light and shadow.

John Everett Millais Ophélie (London Tate Gallery, 1851-52)


Il est difficile de ne pas comparer La Jeune Martyre à la représentation d’Ophélie, chère aux préraphaélites. L’ Ophélie de Millais, fut présentée à l’exposition universelle de Paris en 1855, année de l’achèvement de La Jeune Martyre, on retrouve aisément son influence chez Delaroche. Si le peintre ne fait pas le choix du naturalisme paysager, on peut penser qu’il s’inspira de l’atmosphère de temps arrêté, qu’il sacralisera dans son oeuvre. Sa figue de martyre apparaît comme une sorte d’ « Ophélie chrétienne», suave et angélique.

It is almost impossible not to compare The Young Martyr to Ophelia, beloved character of the Pre-Raphaelites. Millais’ Ophelia was presented at the Paris Universal Exposition in 1855, the year that The Young Martyr was completed. It is easy to find echoes of Millais’ influence on Delaroche. If the artist did not choose a pastoral setting, we can however surmise that he was inspired by the notion of suspended time which was reflected in his work. His martyr can be likened to a "Christian Ophelia", serene and angelic.

Le peintre s’écarte des passions exacerbées de ses compositions historiques, pour tendre à une atmosphère irréelle et mélancolique, propre au courant romantique, dans l’esprit de Louise Vernet, sur Son Lit de Mort (1845), qui rappelle l’œuvre du peintre Ary Scheffer.
Le chantre historique se fait ainsi poète.

The painter freed himself from the heightened emotions of his historical works to render a transcendental and melancholic atmosphere, true to romantic form, as reflected in Louise Vernet, the artist’s wife, on Her Deathbed (1845), reminiscent of Ary Scheffer’s paintings. And so the historical bard made a poet of himself.

Paul Delaroche Louise Vernet, femme de l'artiste, sur son lit de mort (Musée des Beaux-Arts de Nantes, 1845)