Au 19ème siècle, l’alcoolisme est une plaie nationale, qui frappe de nombreuses couches de la population. Les ouvriers y noient leur paye, et les débauchés leur désespoir. On assiste à une phénomène d’ivrognerie collective, partout on boit, et dans les classes pauvres souvent toute la journée.
La fée verte est la figure de proue d’une société marquée par une course au plaisir qui mène souvent à la déchéance, à l’image de l’absinthe. C’est-ce peuple dépravé, se vautrant dans la jouissance que s’attachent à représenter les décadents, à l’image d’un Monsieur de Phocas ou d’un Des Esseintes désillusionné.
L’absinthe y devient un symbole de folie, une liqueur de mort, à travers les visages fantomatiques. Elle est l’expression d’un malaise national, d’une pourriture lascive, jusqu’à son interdiction en 1915.
In the 19th century, alcoholism was a national plague that affected people from all walks of life. The workers squandered their wages and the libertines drowned their despair, getting drunk. It marked a phenomenon of collective inebriation; there was drinking everywhere, often lasting all day long among the lower class.The green fairy, or absinthe for this matter, was the quintessential figure symbolizing the quest for pleasure that often led to one's downfall. This extremely self-indulgent and morally perverted group, referred to as the decadents, wallowed in the delights of sensual pleasure, as exemplified by characters such as Monsieur de Phocas (from the 1901 novel of the same name by Jean Lorrain) or one of the disillusioned members of the Des Esseintes family (from the 1884 novel, A rebours, (English: Against the Grain /Against Nature) by Joris-Karl Huysmans).The absinthe drink became a symbol of folly, and a liquor of death by way of the ghostly imagery that came to be associated with it. It was reflective of a national malady and lascivious degradation until its prohibition in 1915.
Jean Béraud, les buveurs d'absinthe (1908).
On retrouve ces épaves sublimées dans une des descriptions de Charles Baudelaire, dans Le peintre de la vie moderne (1868).
"[...] en suivant l'échelle, nous descendons jusqu'à ces esclaves qui sont confinées dans ces bouges, souvent décorés comme des cafés; malheureuses placées sous la plus avare tutelle, et qui ne possèdent rien en propre, pas même l'excentrique-parure qui sert de condiment à leur beauté.
Parmi celles-là, les unes, exemples d'une fatuité innocente et monstrueuse, portent dans leurs têtes et dans leurs regards, audacieusement levés, le bonheur évident d'exister (en vérité pourquoi?). Parfois elles trouvent, sans les chercher, des poses d'une audace et d'une noblesse qui enchanteraient le statuaire le plus délicat, si le statuaire moderne avait le courage et l'esprit de ramasser la noblesse partout, même dans la fange; d'autres fois elles se montrent prostrées dans des attitudes désespérées d'ennui, dans des indolences d'estaminet, d'un cynisme masculin, fumant des cigarettes pour tuer le temps, avec la résignation du fatalisme oriental; étalées, vautrées sur des canapés, la jupe arrondie par derrière et par devant en un double éventail, ou accrochées en équilibre sur des tabourets et des chaises; lourdes, mornes, stupides, extravagantes, avec des yeux vernis par l'eau-de-vie et des fronts bombés par l'entêtement.
Nous sommes descendus jusqu'au dernier degré de la spirale, jusqu'à la foemina simplex du satirique latin. Tantôt nous voyons se dessiner, sur le fond d'une atmosphère où l'alcool et le tabac ont mêlé leurs vapeurs, le maigreur enflammée de la phthisie ou les rondeurs de l'adiposité, cette hideuse santé de la fainéantise. Dans un chaos brumeux et doré, non soupçonné par les chastetés indigentes, s'agitent et se convulsent des nymphes macabres et des poupées vivantes dont l'oeil enfantin laisse échapper une clarté sinistre; cependant que derrière un comptoir chargé de bouteilles de liqueurs se prélasse une grosse mégère dont la tête, serrée dans un sale foulard qui dessine sur le mur l'ombre de ses pointes sataniques, fait penser que tout ce qui est voué au Mal est condamné à porter des cornes."
These glorified fallen beings made their way into Charles Baudelaire's writings, "The Painter of Modern Life".
Some of these latter-specimens of an innocent and monstrous fatuity display in their features and boldly direct glances an obvious pleasure in existence ("Why?" one could well ask). Sometimes they unintentionally fall into attitudes of an audacity and nobility that would enchant the most sensitive sculptor--if only the sculptor of today had the courage and intelligence to find nobility everywhere, even in the mire. At other times they are shown prostrate in desperate attitudes of boredom, in the indolent stupors of cafe existence, filled with a masculine cynicism, smoking cigarettes to kill time with the resignation of oriental fatalism; ostentatiously sprawling on divans, with a skirt tucked up before and behind in a double fan, or balanced on stools or chairs: heavy, gloomy, stupid, garish, their eyes glazed by brandy and their foreheads bulging with petulance.
We have descended to the bottom of the spiral, to the femina simplex of Latin satire. Sometimes we see depicted, amidst an atmosphere in which alcohol and tobacco have mingled their reeks, the inflamed emaciation of phthisis, or the curves of adiposity, that hideous health of the idle. A foggy and gilded chaos without a trace of the chastities of indigence is filled with the gesticulations and writhings of macabre nymphs or living dolls from whose infantile cheeks gleams a sinister brightness. Behind a counter laden with bottles of liquor lounges a bulky Megeara, her head swathed in a dirty scarf that throws on the wall a satanically pointed shadow, provoking the reflection that everything dedicated to Evil is condemned to wear horns
Félicien Rops, la buveuse d'absinthe (1876).
A lire : Marie-Claude Delahaye, L'absinthe au féminin (Equinoxe).
A voir : Vert D'absinthe, 11 rue d'Ormesson, Paris.
23 commentaires:
j'adore le jean beraud oeuvre!
Interesting post about the artists life in the 19th century. It sounds like you enjoy your studies.
Very interesting read. Thoroughly enjoy these nuggets of knowledge you share with us
**
chouette!
:)
xxx
tu me rappelle qu'il faut vraiment que je lise Monsieur de Phocas, cette histoire m'intrigue...
Interesting read! Thank you!
www.fashionsnag.com
Excellent post. I really enjoyed reading it.
great post!
by degas' buveuse d'absinthe:
http://www.flickr.com/photos/geldenkirchen/3630303835/in/set-72157600230695292/
These are so beautiful, it's really interesting reading about them. I like that last one in particular, so full of atmosphere..
I liked the last post too, with all the pictures of you.
Anyway, I've just finished a project- designing outfits for ten bloggers, inspired by their personal style. You were one of them!
I'll be emailing you a picture and scan of the designs tomorrow, but I only have time to leave a quick comment now. I did a post of all of the designs on my blog, hope you'll take a quick look..
http://clothescamerasandcoffee.blogspot.com/
j'aime... de bon choix.
Ton blog est vraiment une réussite. C'est assez rare de faire rimer mode avec peintres pré-raphaélites, littérature et histoire de l'art. Tes sources d'inspiration sont étonnantes et passionnantes ! J'aime beaucoup cet article. Très intéressant.
i love the first paint.
the sensation that produce me the spirit on the table is amazing.
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Oh, How pretty... We just posted about Tamara De Lempicka, check it out!
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hello, sweety.... how are u?
i loved ur blog....
kisses...
WHAT A GREAT BLOG!
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Je me cultive un peu à chaque fois que je viens lire tes articles.
Alors merci pour moi et bravo à toi de sortir un peu du lot de toutes ces filles fan de guenilles.
Love your blog!
Cheers!
<3 M
Les buveurs d'absinthe...
J'adore cette peinture, Béraud s'est inspiré de "l'assomoir" de Zola pour la créer.
Et comme c'est un de mes livres favoris je ne peux que l'adorer <3
Bizes
what a very interesting post! you described it wonderfully, it makes me miss learning history (at schooL)
cet article est extra, ça fait plusieurs fois que je viens pour le relire , il me plait toujours autant.on se replonge dans une epoque que l'on a pas connue, ça transporte et fait frissonner à la fois.
tu ecris vraiment bien :)
j'avais bien aimé l'article sur les éphebes aussi
bonjour a tous ,magnifique cette page sur la'absinthe ,les muses ,et les peintres.cette époque parait si loingtaine ,alors que l'absinthe vit un retour discret ,mais de qualitée égale a celle de l'époque.voici deux liens qui me semble de qualité:
http://perso.numericable.fr/lcolletaz/
http://vertealchimie.revolublog.com/
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